Il existe beaucoup de grilles différentes pour interpréter nos vies. L'une d'entre elles, que l'on retrouve dans des traditions de tous les continents, considère la vie en cycle de sept ans. Chaque cycle proposant une opportunité et une fenêtre différente.
Je la trouve intéressante car le chiffre sept semble être une constante dans notre façon d'interpréter notre environnement. Les sept notes de musique, les sept couleurs de l'arc-en-ciel, les sept orifices du visage... etc.
Les phases que je vais décrire ici ne sont ni des fatalités ni des généralités. Il n'y a pas qu'un seul train à ne surtout pas rater. Ces phases et les opportunités qu'elles portent se croisent et se recroisent de nombreuses fois au cours de notre vie. De même, comme le biologiste généticien Albert Jacquard l'a souvent souligné, le contexte dans lequel nous évoluons joue également un rôle très important sur notre développement.
De zéro à sept ans, l'enfant arrive au monde, et trouve sa place, ou pas. Il est une éponge. Il vit, voit, ressent à travers ses parents et son entourage au sens large. Il apprend tout ce qu'il peut observer et entendre. Il emmagasine toutes les "règles du jeu" de son nouvel environnement. Il est alors comme un reflet de ses parents ou des adultes et du contexte qui l'entourent. Il est le voyant qui clignote sur le tableau de bord. Changer l'ampoule ou lui taper dessus, la débrancher ne sert à rien. Il faut se demander pourquoi elle clignote. Dans le même temps l'enfant est concentré sur lui-même. Il vit ses émotions très intensément et ne conçoit les contraintes liées aux autres que si elle lui sont montrées. Si elle lui sont expliquées, il prend peu à peu conscience de l'environnement et de l'impact qu'il a dessus et donc de sa responsabilité. A cet âge-là son ego n'est pas encore construit et durci. Mais si il est maintenu dans cette illusion que le monde tourne autour de lui, et que son ego se construit à coup de frustrations ou de compétition, alors de centré sur lui, il deviendra centré sur son ego : égocentrique. Cela se manifestera d'autant plus à l'adolescence si cet apprentissage n'a pas été accompagné vers l'âge de deux ans. A l'inverse, si il est accompagné avec douceur et bienveillance, alors il exprimera les meilleures facettes de lui-même.
A l'âge de sept ans et jusqu'à quatorze ans, il va ensuite aller vers l'extérieur pour tester si les règles du jeu sont les mêmes. Il dort chez un ou une amie pour la première fois, il y teste les règles du jeu, ou chez ses grands-parents ou à l'école. Pendant sept ans il a fait une confiance aveugle à ses parents et maintenant il veut savoir si ses acquis sont valables. Il va vers les autres, vers l'extérieur, il sort de son foyer, de son centre : il est excentrique. L'appartenance à un groupe d'ami, un concept, un artiste, un code de valeur, une équipe sportive est primordiale. Ainsi il se définit un peu mieux, en cherchant à définir le monde qui l'entoure. Du coup, il pose des questions sur tout et tout le temps.
De quatorze à vingt et un ans c'est la phase de l'autonomie conceptuelle. L'adolescent est autonome. Mais dans sa tête. Il n'a pas encore son véhicule, et si il en a un, son rayon d'action est limité. Il n'a pas son propre argent, son propre logement et son couple est souvent instable. D'une part dans sa réflexion sur la vie il se questionne, analyse, révolutionne tout ce qu'il peut, son activité phylosophique est intense. Et pour se rassurer il a souvent besoin de se confronter à plus fort que lui. La nature par exemple dans le travail physique. Comme pour retrouver un cadre qu'il ne puisse remettre en question. D'autre part cette phase est marquée par l'intérêt pour l'autre sexe. Le chemin de la sexualité et de l'expérimentation vont le mener à découvrir ce nouvel individu issu de la puberté. Il n'est plus un enfant, et pas encore un adulte. Il a besoin de comprendre qui il est. C'est une initiation dans le sens premier du terme. Dans le domaine de la sexualité comme dans le domaine de la remise en question des codes de valeurs. Il exprime également une grande sociabilité avec les jeunes de sa génération. Ces changements doivent être entourés, cadrés.
De vingt et un à vingt-huit ans c'est la phase de l'autonomie réelle. Première voiture, premier logement, premier couple voire premier foyer, premiers salaires et voyages ou choix de consommation. Cette phase est souvent marquée par l'ambition, la carrière, l'envie d'acquérir telle voiture ou tel obget, de mener telle ou telle aventure, qui manifestera au monde sa sortie de l'initiation et sa prise de pouvoir sur sa vie : l'autonomie. La conquête. Il est complètement tourné vers sa place au sein de la société.
De ving-huit à trente-cinq ans, cela vous surprendra mais c'est le vrai passage à l'âge adulte. Précisémment jusqu'à trente ans si il est vécu librement. Chez la démocratie athénienne, il fallait avoir 30 ans pour participer à la Boulè, l'assemblée chargée des lois de la cité. Un homme est une femme qui arrivent à cet àge devraient avoir assez conquis et s'être assez prouvé. La vie questionne aussi notre structure professionnelle. Des questions viennent. Quelle trace vais-je laisser? Quel projet professionnel ou quelle activité ai-je réellement envie de porter? Quelle vie ai-je envie de mener? Avec quelles valeurs? Le feu de l'ambition débordante est maintenant apaisé d'une mise en perspective par l'arrivée d'un foyer et parfois d'enfants. C'est souvent une phase marquée par des changements de cap liés à la profession ou au mode de vie.
De trente-cinq à quarante-deux ans c'est notre structure familiale et notre place en tant qu'individu au sein d'un foyer qui est questionnée. Tout simplement car nous recherchons maintenant une sorte de stabilité basée sur ce que nous avons acquis. Si les enfants quittent le foyer ou deviennent plus autonomes, parfois un grand vide se présente et il peut faire peur. Vivre pour soi-même et plus par rapport à un rôle vis-à-vis de l'autre. Être femme ou homme et uniquement cela. Nous n'avons plus à être constamment en train de prouver et d'être disponible à l'autre. Dans le même temps, l'intérêt pour l'introspection est croissant.
De quarante-deux à quarante-neuf ans, la vie de l'esprit, de l'intellect, prend plus d'ampleur et commence à mûrir en nous un sentiment pas encore complètement perceptible. Il y a souvent comme un sentiment de petite mort, voire de vrais conflits extérieurs ou intérieurs qui viennent bousculer notre expérience. Un besoin de se redécouvrir se fait sentir.
A quarante-neuf ans, cette redécouverte peut nous mettre en écho avec notre première phase. Comment retrouver ma place
De cinquante-six à soixante-trois ans nous revivons l'excentricité et nous avons besoin de révolutionner notre vie en remettant certaines valeurs au centre de nos choix. Nous éprouvons parfois un besoin de repartir à l'aventure et en voyage. Certaines personnes de cette phases ont des comportements troublants pour leurs proches et passent pour de grands enfants, surtout si leur phase de l'adolescence a été frustrée ou n'a pas pu être vécue. Nouvelle voiture, nouveau couple, voyage, travaux ou déménagements etc.
De soixante-trois à soixante-dix ans, notre énergie se tourne complètement vers l'intérieur et les projets que nous souhaitons accomplir. A l'inverse, si l'adolescence a été vécue sous contrainte, des comportements d'adolescent peuvent se manifester et de l'agitation venir envahir l'espace. Les valeurs alors nourries peuvent être troubles ou floues, la personne se sentir perdue.
A soixante-dix ans et par la suite, si un équilibre a pu être trouvé, alors une autre ampleur est prise dans l'autonomie et la trace que la personne laisse, que ce soit dans ses transmissions ou les rapports avec sa famille. Plus rien n'est à conquérir, à découvrir ou à prouver. Ni dans le plan matériel ni dans le philosophique.
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