La vie coule comme un fleuve. Elle est fluidité, mouvement permanent, et changement : elle est vie. Fertile. Rien n'est permanent ou intemporel. Cela signifierait stérile. Derrière les invitations de la vie à changer de cap se cachent toujours une sagesse, une proposition pour un mieux, un cadeau dont nous n'avons peut-être pas encore conscience ou que nous comprendrons plus tard. Cultivons le détachement, cultivons le lâcher-prise. Car de toute façon ce qui doit partir partira, et ce qui doit arriver arrivera. Quand nous lâchons prise et faisons confiance à la vie nous sommes comme portés par quelque chose de plus grand que nous, quelque chose qui nous nourrit et qui nous permet de vivre notre chemin avec fluidité. Parfois dans notre existence nous sommes tentés de nous accrocher à quelque chose, de nous raidir pour chercher à contrôler ou gérer. Surtout lorsque nous avons justement l'impression qu'une situation nous échappe, qu'elle ne se passe pas comme nous l'avions prévu ou anticipé. Et c'est bien compréhensible car cela peut être impressionnant. C'est un peu comme nager dans une rivière, si nous nous raidissons, si nous cherchons à contrôler son courant ou à nager contre, nous allons nous épuiser et nous noyer. Si nous restons souples, détendus et que nous accueillons son flot, alors nous pouvons nous laisser porter par le courant, et sans effort rester la tête hors de l'eau. Nous devons pour cela accueillir sa force, nous y connecter et l'accompagner de nos mouvements, nos positions doivent toujours rester légères, souples et prêtes à évoluer. Si nous nous crispons ou nous figeons dans une position nous sommes déjà en train de mourir. Car nous nous sommes déconnectés de la source. Au moment même où nous décidons de chercher à contrôler au lieu d'accueillir, nous nous coupons de la vie et nous enfermons. Et tôt ou tard nous allons nous scléroser et manquer de ressources.

Souvent la vie nous emmène là où nous n'avions pas prévu d'aller, où alors pas de cette façon. Nous préparons un projet, le mentalisons, le budgetisons. Ce sont des phases nécessaires et importantes. Avoir un cap, avoir une idée est une boussole nécessaire pour démarrer un voyage. Mais si notre mental en fait une croisade personnelle pour que cela se passe comme il l'avait prévu, alors c'est un déséquilibre. La peur de la mort, la peur de ce que nous ne contrôlons pas génère ce besoin du contrôle, de la prédictabilité, de la répétabilité et de la reproductibilité chères à notre société. Cette partie de nous-même est légitime. Accueillir ce besoin, l'écouter et le reconnaître, c'est faire une place au lâcher-prise et à la confiance. C'est accepter d'écouter ce que la vie a à nous dire, comme une invitation à ajuster le cap, à suivre le flot de la rivière qui ne va pas en ligne droite.
La solution réside en le fait d'écouter ce qui est fluide pour nous. Dans notre corps. Se mettre en résonnance avec la situation et écouter les divers chemins possibles. Ressentir ce qu'il se passe à leur évocation et la fluidité qui en découle. Alors nous restons connectés à ce flux nourrissier et porteur et nous suivons le mouvement de la nature. Respirons, soufflons, relâchons la tension physique dans le diaphragme et le sternum, et observons avec confiance quelle est l'invitation de la vie dans cette situation, ce conflit ou ce blocage. Là où ça force, ne pas forcer mais écouter "vers où ça veut aller". Suivre le mouvement et nous adapter aux invitations de la vie, et non chercher à adapter la vie à nos projections. Cela est valable avec notre travail, notre famille, nos enfants, avec tout.
Les arts martiaux également nous racontent cela. Dans la pratique du chi sao en kung fu par exemple, il s'agit d'accompagner les mouvements du partenaire, toujours avec une intention vers l'avant et toujours en occupant notre centre, comme dans la vie. Sans chercher à contrôler ni à saisir ou tenir. Tant que les mains restent souples, présentes et fluides, tant que l'esprit reste serein et attentif à l'instant présent alors le pratiquant maintient son intégrité. "L'esprit et la main voyagent ensemble". Si le pratiquant commence à se sentir en mauvaise posture ou sous pression par les mouvements ou l'ascendant de son partenaire, la tentation devient grande de chercher à reprendre le contrôle. Or à ce moment-là se crisper, durcir ses muscles, chercher à tenir, à saisir, c'est perdre en adaptabilité, en vitesse, en sensitivité et intuitivité. C'est se mettre sur la défensive. La solution consiste alors à continuer de garder l'esprit serein et à focaliser tout notre esprit et notre conscience sur le fait de suivre le mouvement avec fluidité, d'accueillir dans l'instant présent.
Faisons confiance à la vie, accueillons les changements, les imprévus comme autant d'invitations à trouver un équilibre plus juste pour nous. Ecoutons là où ça force pour comprendre ce que la vie cherche à nous dire et laissons-nous porter naturellement vers la fluidité et le lâcher-prise.
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